Histoire

Le Grand Fénétra : qu’es aquò ?

A l’inverse du Carnaval, fête universelle, le FERETRA ou FENETRA est une fête purement toulousaine.

Certains auteurs situent l’origine de cette manifestation dans les « FERETRALIAS » qui se célébraient aux ides de mars :

Les toulousains de l’époque se rendaient pour la fête des morts à la grande nécropole située dans l’actuel quartier St Roch. La rue du Feretra rappelle le fait.

Alex COUTET écrit : « Aux portes de la ville, les gallo-romains, comme c’était la coutume, avaient établi leur cimetière… tous les ans, au retour du printemps, aux calendes de mars, étaient célébrées en ce lieu les fêtes en l’honneur des morts. Ce furent les Feretralias, appellation dérivée de Feretrum, litière sur laquelle on portait les morts, mot devenu lui-même, par corruption, en roman et en langue d’Oc, Feretra et Fenetra. Aux pèlerins des cénotaphes, des marchands ambulants offraient des fleurs et des fruits séchés … Ces solennités romaines des feretrae sont devenues par altération du mot, nos fenetras de printemps qui, du quartier St Michel, se sont répandues et popularisées dans tous les faubourgs… »

Pierre SALIES, dans son livre Ste Marie des Anges, le Faubourg St Michel nous cite le Fénétra : « Au XVIème siècle, les Fenetras se présentent comme un pardon qui se déroule successivement dans les divers faubourgs les dimanches de carême. La prédication est l’élément essentiel du programme et les Capitouls s’y rendent, escortés de trente soldats du guet. Au XVIIème siècle encore, ces sermons ont lieu aux maladreries du château Narbonnais et d’Arnaud Bernard, à l’église St Sauveur hors la porte St Etienne et un sermon général clôture le cycle à la maladrerie de St Cyprien. Un élément traditionnel des Fenetras était la vente de fruits secs : figues, raisins, noix et châtaignes. »

Puis la fête se laïcise 

La notion de « pardon » disparaît. Le déroulement du Feretra devenu Fénétra par altération du langage, comprend quatre éléments :
  • le passo-carriero,
  • les spectacles des bateleurs et autres artistes ambulants,
  • les jeux,
  • le repas familial.

En matière de jeux, on retrouve le « rampan » des fêtes locales mais il y a aussi les mâts de cocagne et des courses burlesques réservées aux adolescents.

En de nombreux lieux de la ville, des tréteaux sont installés, des artistes ambulants se produisent avec grand succès. On joue même des farces et parfois la comédie.

Il n’y a pas de « ripaille » pour les fêtes du Fénétra mais un repas choisi qui réunit autour de la table du chef de famille les enfants mariés, venus de la grande banlieue et parfois même de bien plus loin. Par contre, on n’invite pas les cousins toulousains comme pour la fête patronale du quartier car ces cousins eux-mêmes invitent leur propre descendance…

Au dessert de ce repas, tradition solide et caractéristique, on mange le « gâteau du Fénétra » où pâte d’amande et citron confit donnent un parfum particulier. On retrouve d’ailleurs ces mêmes gâteaux du Fénétra mais en « format de poche » sur les lieux de réjouissance, vendus par des pâtissiers forains. On en mange donc toute la journée…

Le passo-carriero est le grand événement des fêtes du Fénétra.

Disons tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un défilé carnavalesque, c’est un cortège de grande tenue. Tout ce que Toulouse compte de voitures défile dans les artères du centre. Les voitures de maître aux chevaux racés côtoient les charrettes enrubannées et décorées aux robustes percherons des jardiniers des faubourgs.

Autour des véhicules, les piétons en habit de fête, habit parfois différent suivant les quartiers… C’est une parade majestueuse applaudie par un extraordinaire public et d’une densité telle qu’un auteur du XIXème siècle a pu écrire qu’il ne restait pas un seul toulousain dans sa maison car « tous étaient sur le parcours du passo carriero ! » Même en ramenant cette appréciation dictée par l’enthousiasme à de justes proportions, il n’en demeure pas moins que cette parade obtient chaque année un succès considérable.

Et puis, il convient d’ajouter que les véhicules circulent avec leurs propriétaires. Aussi, au passage, le public reconnaît toutes les personnes connues de la ville : le maire, les hauts personnages, les héritiers de noms célèbres… Ce jour là toutes les classes sociales sont confondues.

Mme GENLIS, dans ses mémoires, évoque ce passo-carriero en termes émus. Présente à Toulouse et invitée par ses hôtes, elle assiste au défilé, dans la foule et a été séduite par la majesté de cette parade et la beauté des attelages même modestes.

Les deux guerres de 14/18 et 39/45 faillirent être fatales au Fénétra. Très peu célébrée entre 1920 et 1939, la fête disparaît des calendriers toulousains à partir de 1945.

cant del grand Fénétra

composé Par Paul LASSERE, secrétaire de l’Escolo Occitano

Jes ! qu’un poulit tableou !
Gaïto m’aquelos drollos,
Quand dansoun d’ambe fléous,
Dirios que van voula.
Dins tout aquel sagan
L’elh me fa bimbarolos
E n’es atal cado an
Quand ven le Fenetra !

Venoun de Sant Subra
E de la Coulombeto,
Esquirol e Busca,
Coucuts e Sant Miquel,
Filhos e maï goujats
Fan tiba la cambeto ;
Sisclon coumo de fats
E nous auran la pèl !

I croumparan couquets,
I tastaren tourtieros,
Chicos e curbelets,
Boun bi, barbo a papa !

Jésus ! quel joli tableau !
Regarde moi ces filles,
Quand elles dansent avec les jeunes,
On dirait qu’elles vont voler.
Devant tant de chahut
Les yeux papillonnent
C’est comme ça chaque année
Quand vient le Fenetra !

Venant de Saint Cyprien
Et de la Colombette,
D’Esquirol et du Busca,
Des 3 Cocus et de Siant Michel,
Filles et garçons
Font remuer la jambe ;
Braillent comme des fous
Et ils auront notre peau !

Nous y achèterons des couquets,
Nous y gouterons des tourtieros,
Chicos e curbelets,
Bon vin, et barbe à papa !

Maï te caldra paurot
Arrapa las telieros,
Amb’aquels cacarots
Se te vos pas banda !

Vous poudets amaga,
Gens de la mino ernhouso !
Qu’un desplasé pod fa
S’aco nous regaudis !
Nostre vielh Fenetra
Ount se manten Toulouso,
Fasque toujourn bada
De joïo les moundis !

Vaï t’escura, farnous !
E trintan la musico !

Julou grand penjolum,
véjan i cal ana !

Vaï t’escura, farnous !
E trintan la musico !
A reire, pissofred
E vivo’l Fenetra !

Mais il te faudra, mon pauvre
Te cramponner aux branches,
Avec ces fous là
Si tu ne veux pas te saouler !

Vous pouvez vous cacher,
Rabats-joies !
Que ça vous plaise ou non
Nous, ça nous réjouit !
Que notre vieux Fenetra
Qui perdure à Toulouse,
Remplisse toujours de joie
Tous les toulousains !

Vas te nettoyer, morveux !
Et trintan la musique !

Julou grand peintre de la lune,
voyons, il faut y aller !

Vas te nettoyer, morveux !
Et trintan la musique !
Arrière, les pisse-froid
Et vive le Fenetra !

Michèle Bielle

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